Des multinationales suisses au coeur de scandales socio-environnementaux

Santé des travailleurs menacée par un herbicide toxique, déforestation massive due à la culture d’huile de palme : des multinationales suisses sont impliquées dans de telles violations à l’étranger. Une initiative veut mettre un terme à ces pratiques.

Cette année encore, on apprenait que le géant minier suisse Glencore avait délogé par la force des paysannes de leurs terres pour pouvoir agrandir sa mine au Pérou. En février dernier, un rapport de Human Rights Watch déplorait le manque de transparence sur la provenance de l’or utilisé par les grandes marques bijoutières, alors que les violations de droits humains dans l’extraction de l’or sont monnaie courante. Jusqu’à quand les multinationales pourront-elles continuer à fermer les yeux et violer les droits humains en toute impunité ?

Face à cette situation, la société civile a décidé d’agir à travers une initiative populaire. Lancée par une coalition d’organisations des domaines de l’entraide, des droits humains, de la protection de l’environnement ou encore d’églises et de syndicats, l’initiative pour des multinationales responsables demande à ce que les multinationales basées en Suisse soient contraintes de respecter les droits humains et l’environnement dans toutes leurs activités à l’étranger.

Plus concrètement, l’initiative rend contraignante la mise en œuvre d’un devoir de diligence, et prévoit également un mécanisme de sanction en cas de violation. En d’autres termes, chaque entreprise devra analyser les risques liés à ses activités en termes de droits humains et d’environnement, prendre des mesures pour remédier à ces risques ou abus, et rendre compte de manière transparente de l’effectivité de ces étapes. Si elle ne le fait pas et qu’un abus est commis, une victime pourra, avec l’initiative, demander réparation devant un tribunal en Suisse. L’initiative permettrait donc une meilleure protection et une amélioration du sort des victimes, tout en empêchant au maximum que de tels scandales se répètent.

Un herbicide mortel

Parmi ces scandales, un cas tristement célèbre est celui causé par l’entreprise suisse Syngenta. Basé à Bâle, ce géant de la chimie commercialise dans plusieurs pays le paraquat, un herbicide toxique pourtant interdit en Suisse depuis 1989. Les personnes qui l’emploient manquent souvent de vêtements de protection ou utilisent des pulvérisateurs défectueux, augmentant ainsi le risque d’atteinte à leur santé. Il est utilisé notamment dans les plantations de café, bananes, coton ou dans les rizières. Les ouvrières et ouvriers agricoles qui utilisent cet herbicide font face à de graves problèmes de santé : altération des fonctions pulmonaires, lésions cutanées, maladies neurodégénératives. Un pesticide aussi toxique que le paraquat affecte également fortement l’environnement, en particulier les eaux de surface.

Jusqu’à présent, les victimes d’empoisonnement au paraquat n’avaient pas la possibilité de se retourner contre Syngenta en Suisse pour le manque de diligence de la multinationale. Avec l’initiative, Syngenta sera contrainte d’analyser de manière approfondie les risques liés à l’utilisation de l’herbicide. L’entreprise devra donc cesser sa commercialisation et réfléchir au développement d’un produit moins nocif.

La palme de la honte

Dans un autre registre, la production d’huile de palme fait partie des exemples les plus flagrants de destruction de l’environnement par des multinationales suisses. Produit éminemment controversé, l’huile de palme pose d’énormes problèmes environnementaux : déforestation, pollution des sols et des eaux, atteintes à la biodiversité, confiscation de terres. La liste est longue.

Nous apprenions au début de l’été la destruction en Papouasie d’une zone de forêt vierge de la taille de Paris. Aux côtés des géants de l’agroalimentaire, Nestlé fait partie des responsables de cet écocide malgré ses promesses de ne plus acheter de l’huile de palme issue de la déforestation. Une fois adoptée, l’initiative forcerait la multinationale veveysanne à analyser en détail la provenance de ses matières premières, afin qu’elle cesse de contribuer massivement à la déforestation à travers ses intermédiaires en se dédouanant de ses responsabilités.

Une indignation sélective ?

Ces deux exemples montrent bien à quel point la préservation des ressources est gravement menacée par les activités sans scrupules de certaines multinationales. Imaginez un instant si de telles pratiques avaient lieu en Suisse : une entreprise qui déboise la totalité des forêts jurassiennes pendant qu’une autre vend un produit extrêmement toxique aux agriculteurs vaudois. L’indignation serait vive parmi les citoyens suisses. Alors pourquoi ces multinationales basées en Suisse se permettent-elles de telles actions à l’étranger ?

En plus de porter atteinte à la réputation de la place économique suisse et aux autres entreprises soucieuses de leur impact, les activités de ces multinationales sans scrupules sont la preuve de l’inefficacité des discours de durabilité et de bonne conduite volontaire. Il est maintenant temps de mettre un terme à ces pratiques déloyales et d’établir les mêmes règles pour tout le monde. Si l’année passée, le Conseil fédéral avait suggéré au parlement de rejeter l’initiative, arguant que les mesures volontaires étaient suffisantes, un vent de changement a commencé à souffler depuis le printemps dernier.

Plus de 12 000 personnes ont affiché un drapeau à leur fenêtre en faveur d’une meilleure responsabilité des multinationales, et le parlement semble s’être rendu compte de l’urgente nécessité d’agir : en effet, le Conseil national a accepté un contre-projet indirect à l’initiative en juin dernier, qui doit être débattu par le Conseil des États cet automne. Il s’agit là d’une première étape, et le chemin sera encore long avant que les victimes du paraquat et de l’huile de palme puissent faire valoir leurs droits. Mais nous sommes sur la bonne voie !

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